La Chrysocolle,
une pierre méconnue…
Lors de recherches pour une conférence sur les pierres du Pérou, je me suis interrogée sur la nature des pierres que l’on pouvait trouver au Pérou. Tout de suite, j’ai pensé à la pyrite, la chrysocolle, l’opale des Andes ; mais cela fait un peu juste pour une conférence sur les pierres du Pérou. En cherchant un peu, j’ai trouvé que le sol des Andes péruviennes recelait des trésors cachés de pierres et d’histoire.
L’Empire du Soleil se devait d’avoir autre chose et c’est ainsi que j’ai trouvé, et commencé mes recherches par la Chrysocolle.
Il a été écrit de nombreux articles sur la Chrysocolle, tous disent la même chose, ce qui en soi est bon signe. Tous les scientifiques sont d’accord sur les mêmes choses. Mais si on allait plus loin que juste la théorie et les lieux communs ?
J’ai commencé par un récapitulatif des données scientifiques et techniques avant de m’attarder sur le côté historique, mythes et légendes.
La Chrysocolle techniquement
Genre |
Nom féminin ou masculin, les avis différent |
Dureté |
Pierre tendre et friable (dureté : 2 à 4) |
Densité |
2 à 2.2 |
Système cristallin |
Tous les scientifiques ne sont pas d’accord, elle est considérée comme amorphe, monoclinique ou orthorhombique. |
Propriétés optiques et autres |
Translucide à opaque. Se présente généralement en masses compactes et plus rarement en amas cryptocristallins de structures finement radiées, ou globuleux, ou en microscopiques cristaux aciculaires voire en remplissage massif de filons ou en masses botryoïdales, ayant souvent l’aspect de l’opale |
Éclat du minéral |
Vitreux à terreux |
Morphologie des cristaux |
Microcristaux aciculaires |
Morphologie des agrégats |
Massifs, terreux, cryptocristallins, botryoïdaux, aciculaires, radiés, stalactitiques, fibreux, réniformes, concrétionnaires |
Minéraux associés |
Quartz, limonite, azurite, malachite, cuprite, ainsi que d’autres minéraux de cuivre secondaires |
Composition chimique |
La chrysocolle est un silicate hydraté de cuivre de composition chimique : hydrogène (H) 2,42 %, oxygène (O) 48,04 %, aluminium(AI) 4,05 %, silice (Si) 16,87 %, cuivre (Cu) 28,62 % |
Couleur |
vert-bleu, bleu jusqu’à prendre des tons de bruns. Eclat : vitreux, gras. Sa couleur bleu-vert provient du cuivre hydrosiliceux qu’elle contient en quantités variables |
Gisements principaux |
Les gisements les plus importants se trouvent au Pérou, Chili, Russie (Oural), Zaïre, Angleterre, Congo, États-Unis (Nouveau-Mexique, Utah, Arizona), France (Alsace, Pyrénées-Orientales, Loire), Israël, Mexique, Tchéquie. En Israël, on trouve une variété appelée « pierre d’Eilat », qui contient aussi de la turquoise et de la malachite. Cette pierre se trouve dans les zones d’oxydation des dépôts de cuivre. C’est un mélange amorphe de silicates de cuivre et de silice hydratée, un produit de décomposition des minerais de cuivre contenant des impuretés comme l’alumine, des oxydes de cuivre et des oxydes limonitiques, et que l’on trouve spécialement dans les régions arides. |
La Chrysocolle historiquement
Du grec « chrysos » et « Kolla » qui signifient or et colle, les anciens pensaient que la chrysocolle avait la capacité d’attirer l’or et de s’allier à lui, ils s’en servaient donc pour souder l’or. C’est de cette croyance qu’il tirerait son nom de « colle d’or ». Il est possible que ce terme ait désigné le borax que se procurait les Grecs dans les lacs salés de Perse et d’Inde (de l’hébreu « borak » blanc). La première mention de la chrysocolle date de 315 avant Jésus-Christ par le grec Théophraste.
« Chrysocolle » est un ancien terme désignant divers matériaux servant à la préparation de l’or mais qui se raffina jusqu’à ne plus désigner aujourd’hui qu’un seul minéral, un silicate d’hydroxyde de cuivre.
Selon le degré de ses composants, la chrysocolle tend vers le vert ou vers le bleu. Elle est appelée au Pérou la « Turquoise de Lima » et est communément appelée aussi « la sœur de la turquoise ». En effet, elles possèdent des propriétés relativement similaires et sont souvent confondues. Utilisé depuis l’Antiquité, elle peut être confondue superficiellement avec la Turquoise mais sa couleur est réputée comme encore plus fine même si elle a moins de valeur. C’est une pierre plus fragile que la Turquoise. Elle est facilement friable et jaunit quand elle est en contact avec l’acide chlorhydrique car il y a séparation d’avec la silice.
Lorsqu’elle est bleue, on la confond souvent avec la turquoise. Elle peut également ressembler à la malachite, dont elle se différencie par une nuance bleuâtre. Elle est utilisée essentiellement comme pierre d’ornement et en bijouterie.
Un peu d’histoire
Le terme est apparu en 315 av. J.-C. dans les écrits du philosophe grec Théophraste et désignait aussi la malachite, c’est un pigment minéral à base de carbonate de cuivre, provenant sans doute de Macédoine. Selon Pline il s’agit d’une des couleurs froide. Le vert de malachite est classé parmi les pigments les plus onéreux selon son degré de broyage. Ce pigment se retrouve notamment sur les tombes royales de Macédoine, comme sur « la tombe d’Eurydice », soit appliqué pur et saturé pour rehausser certains détails des décors architecturaux, soit mêlé à la feuille d’or.
En poudre, elle servait aux médecins romains comme collyre et comme antiseptique.
Chez les Indiens d’Amérique du Sud, la Chrysocolle est le symbole de l’eau nourricière de la forêt, elle est également considérée comme une pierre médicinale pouvant calmer les émotions.
Son utilisation en joaillerie, dans les civilisations pré-incaïques, remonte presque à la même époque. En effet, il a été trouvé dans les tombes des momies pré-incas divers ornements, dont les plus anciens comportant de la Chrysocolle sont datés de 200 av. J-C.
Certaines pièces exceptionnelles peuvent dépasser deux kilogrammes. Mais elle est généralement taillée uniquement quand elle est associée à d’autres minéraux tels le quartz car, pure, elle est un peu trop tendre pour la taille et à tendance à se craqueler. On l’utilise également comme flux pour souder l’or (comme indiqué par l’étymologie de son nom).
Selon un extrait des écrits de Pline l’Ancien sur l’histoire naturelle, on peut lire :
[…] « La chrysocolle est un liquide coulant dans les puits le long des filons d’or, et formant par les froids de l’hiver des concrétions aussi dures que la pierre ponce. On a remarqué que la meilleure se produisait dans les mines de cuivre, et que celle des mines d’argent avait le second rang. On en trouve aussi dans les mines de plomb, mais elle est inférieure même à celle des mines d’or. Dans toutes ces mines on fait une chrysocolle artificielle fort inférieure à la chrysocolle native. Le procédé consiste à introduire doucement de l’eau dans une veine de métal pendant tout l’hiver, jusqu’en juin, et à laisser sécher le tout en juin et juillet, ce qui montre clairement que la chrysocolle n’est qu’une veine métallique qui s’est putréfiée. La chrysocolle native diffère surtout de l’autre par sa consistance ; on la nomme chrysocolle jaune : et cependant on la teint elle-même avec la plante appelée lutum (reseda luteola). Elle a, comme le lin et la laine, la propriété de prendre la teinture après broyage.
Les peintres la nomment « orobitis » quand elle est teinte. Ils en distinguent deux sortes : la jaune, qui se conserve en poudre, et la liquide, qui est en dissolution. On recherche surtout celle qui a la nuance du blé en herbe, dans sa verdure la plus fraîche. Déjà on a vu, dans les spectacles de Néron, l’arène du cirque sablée avec de la chrysocolle, quand l’empereur, vêtu d’une étoffe de même couleur, devait en personne conduire un char. On pense que la chrysocolle lutea est ainsi appelée de l’herbe lutum (reseda luteola), laquelle, broyée avec du bleu, est vendue pour de la chrysocolle : c’est de toutes les chrysocolles la plus mauvaise et la plus trompeuse.
On emploie aussi cette substance en médecine. Avec la cire et l’huile, elle sert à mondifier les plaies ; seule et en poudre, elle les dessèche et les resserre. On la donne en électuaire avec du miel dans l’angine et l’orthopnée. C’est, de plus, un vomitif. On la fait entrer dans les collyres pour effacer les cicatrices des yeux, et dans les emplâtres verts pour adoucir les douleurs et faire disparaître les cicatrices. Cette chrysocolle, les médecins la nomment « acesis » ; elle diffère de l’orobitis. » […]
Utilisation en joaillerie
On trouve l’utilisation de la Chrysocolle dans de nombreuses parures retrouvées dans les tombes des momies pré-incas. Certaines de ces parures datant de 200 av J-C. Elles étaient notamment utilisés par les Indiens des Andes de la culture Intermédiaire ancien (200 av J-C- 500 apr. J-C) pour, notamment, des spatules à chaux ainsi que, plus tard, par la culture Sican (800 -1350) pour des ornements d’oreilles, gobelets et autres parures.
Dans la tombe du Seigneur de Sipan ont été retrouvé de nombreux objets d’orfèvrerie. La chambre aménagée dans une pyramide d’adobe avec des agrandissements successifs contenait des parures extrêmement riches : bijoux d’or, d’argent et de turquoise (très probablement chrysocolle), linceul cousu de plaques de cuivre doré, cercueil de bois… À côté du guerrier se trouvaient différents personnages des deux sexes et un chien.
Dans la pyramide ou « Huaca » Loro qui se traduirait par « pyramide perroquet » différentes choses ont été révélées. Et notamment à 11m de profondeur se trouve la tombe Est et la sépulture d’un personnage important et ses accompagnantes. De nombreux objets et bijoux furent découverts dans son ultime demeure. Les objets et bijoux qui attestaient de son importance: hautes coiffes, couronnes, boucles d’oreilles et autres en or ou en alliage, bracelets et colliers de coquillage dont le spondyle, quartz, lapiz lazuli, chrysocolle ou turquoise péruvienne etc.
A noter, la Chrysocolle de qualité gemme, parfois appelée « Gem Silica » ou « Parrot-wing » soit « Aile de Perroquet« , contient davantage de Quartz que de Chrysocolle, d’où un meilleur poli et une plus jolie brillance.
La Chrysocolle est également assimilée à la « Pierre d’Eilat », un agrégat composé d’Azurite, Chrysocolle, Malachite, Turquoise et autres minéraux de cuivre en proportions variables. La Pierre d’Eilat provient des anciennes mines de cuivre du roi Salomon dans le Sinaï, soit en provenance du sud d’Israël.
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Sources
Pline l’ancien – histoire naturelle. Tome second. Livre XXXIII – traduction française : é. Littré
Larousse des pierres précieuses : JP. Poirot-P. Bariand, éditions Larousse
« Minéraux & fossiles hors série 27 de novembre 2008 »,
http://www.mindat.org/min-1040.html
http://rruff.info/uploads/AM54_990.pdf
http://webmineral.com/data/Chrysocolla.shtml
http://euromin.w3sites.net/mineraux/CHRYSOCOLLE.html
http://www.galleries.com/Chrysocolla
http://www.handbookofmineralogy.org/pdfs/chrysocolla.pdf
http://home.scarlet.be/gemsdat/chrysocolla.htm
http://www.gemstonediscovery.com/gem_chrysocolla.htm
Photos :
« photo L. Carion » du site www.carionmineraux.com
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5 réflexions sur « La Chrysocolle, une pierre méconnue… »
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le Fleischers Glossary of Mineral Species, edition 2004, , reference absolue en termes de minéraux, donne comme formule (Cu,Al)2H2Si2O5(OH)4 . nH2O avec un système orthorhombique
le chrysocolle est l’inclusion qui colore en bleu l’opale bleue du Pérou, ainsi que probablement d’autres opales anecdotiques, comme certains échantillons bleus d’opale de Biot, dans le midi..
Je ne voulais pas faire un article « scientifique », mais merci pour l’information. La(le) chrysocolle est donc une pierre à part entiére, un élément constitutif de certaines autres et un élément « chromogéne » des troisièmes.
donner des données plus complètes n’est pas péjoratif. Ce n’est parce que la science ets plus exacte que l’article ne peut pas contenir d’autres considérations
Le, ou la, chrysocolle pure est si peu tenace que de toute facon on ne peut pas s’en servir comme gemme s’il est n’est pas accompagnée d’autres minéraux (comme dans la Pierre d’Eilat, par ex, un mélange de divers minéraux de cuivre); Elle doit alors être inclue dans une silice (calcédoine ou opale) pour être taillable et portable
C’est exact, j’ai de la Chrysocolle du Pérou un exemplaire friable et une autre qui est montée en bague et n’a pas bougé.
Cette différence avait déjà été identifié du temps de Pline l’Ancien et de Néron, puisque c’est certainement avec la friable qu’ils recouvraient le sable des arènes.
Tres bel article, un peu savant pour certains, mais complet.
J’ai découvert cette pierre il y a 4è ans , Madame Lecanuet , la femme de Jean née Herzog était juive et passait souvent des vacances en Israel, elle m’avait ramené des pierres en m’affirmant que c’étaient des turquoises….mais justement j’avais bien bossé mon sujet quelques temps auparavant avec ma prof( Dina Level)
donc je lui ai tenu tete, voir sur mon blog (ce n est pas pour me faire de la pub!)
http://richardjeanjacques.blogspot.com/2008/07/chrysocole-turquoise-pierre-deilat.html